Ça me travaillait depuis quelques temps…

J’en entendais parler ici et là, par hasard ou plutôt par une série de synchronicité, et ça me donnait l’impression qu’il fallait aller y voir de plus près.

Mais vous connaissez ma propension à la dispersion  ! Si j’ajoutais la permaculture à mes centres d’intérêt déjà vastes, n’allais-je pas me perdre ? Et puis moi qui ne sait rien faire pousser chez moi à part les mauvaises herbes, ça serait un comble que je m’y penche…

Alors je tentais plutôt de rester focalisée sur mes domaines d’intérêt de ces deux dernières années : le centrage sur l’humain dans l’entreprise (management, leadership, entreprise libérée, …)  et sur le client / utilisateur dans ma pratique professionnelle du marketing, par une approche Design Thinking notamment.

Avec toutefois une prise de conscience grandissante de la nécessité d’intégrer la notion de durabilité dans tous nos secteurs d’activité. Comment ignorer l’incongruité de notre système de consommation actuel qui va visiblement dans le mur, le cynisme de l’industrie alimentaire ou pharmaceutique, qui nous entraîne dans des scandales sanitaires en cascade…? Que ce soit la pénurie des ressources énergétiques ou la croissance exponentielle de l’humanité, certaines problématiques deviennent saillantes et, même si l’on regarde ailleurs, elles débordent dans notre champ de vision !

Je me suis donc inscrite en 2017 à une conférence sur ce thème,  qui avait lieu chez Noïo, un « espace d’expérimentations zinnovantes où s’émulsionnent art et science, philo et psycho, bien-être et développement professionnel » comme ils se définissent fort bien.

Par curiosité de découvrir ce lieu foisonnant, mais aussi d’entendre parler plus avant de permaculture même si le côté technique me semblait tellement loin de moi. Nous étions une vingtaine. Plus un intervenant, Ferdinand Richter, coach, psychologue du travail, ex-rugbyman professionnel (et maître es-storytelling), depuis peu aux commandes pour la France d’Ecosia, un moteur de recherche solidaire et écologique qui réinvestit 80% de ses bénéfices dans la reforestation.

Il est mon second coup de cœur de cette année 2017. Le premier c’est Amy Fisher, rencontrée lors du Réveil Créatif qu’elle a tenu au mois de mai. C’est une lumineuse sculptrice franco-américaine, pétrie (!) d’authenticité, de sensibilité et de talents. Mais aussi pleine de force.

Et notre Ferdinand m’a immédiatement fait penser à elle : doué pour mille choses, simple, direct, humain… il a su se relever de ses blessures sans perdre de sa douceur ni de son ouverture aux autres. Ils ont une sorte de gémellité à mes yeux : physique car ils sont aussi rayonnants l’un que l’autre, mais aussi spirituelle et de cœur. Mais au-delà de l’homme il y a son intelligence de la vie, que je vais tenter de synthétiser ici telle qu’il nous l’a exposée. De son propre aveu, la permaculture l’a sauvé. Après être passé au rouleau compresseur de la vie professionnelle dans des entreprises qui ne respectaient pas l’humain, il s’est mis au vert pendant un an et s’est reconstruit au rythme de la nature, les mains dans la terre.

Performance ou abondance ?

« La permaculture est née de la question du sens, du « pourquoi » on fait les choses… »

Cette phrase introductive a immédiatement résonné en moi, rejoignant ma propre conviction qu’un sens (la direction comme l’intention) est indispensable à notre équilibre et à l’harmonie dans notre vie.

Si on voulait dessiner la permaculture, il faudrait d’abord placer, au cœur d’une fleur, l’éthique. Autour se développent quatre pétales : être attentif à la nature // être attentif à l’Homme // partager le surplus // créer de l’abondance.

Et très vite sont abordées les notions opposées de performance et d’abondance. La performance est ce que nous connaissons depuis les 30 Glorieuses : monocultures intensives, mais aussi élevage, production industrielle et même… éducation de nos chères têtes blondes (on notera à ce propos qu’en permaculture il s’agit d’encourager ce qui a du mal à pousser par exemple, pas de tout niveler). Dans le système dominant actuel, il n’y a donc pas de place pour la différence, tout est normé, robotisé, identique.

Or l’abondance est justement dans la diversité, celle que prône la permaculture. On passe d’un champ plat qui s’étend à perte de vue, à un joyeux fouillis en volume sur 3 dimensions : il y a de multiples plantes en surface, mais aussi des arbres qui s’élèvent vers le ciel et des légumes-racines qui s’enfoncent dans le sol, favorisant l’écosystème qu’il renferme, des vers de terre aux champignons en passant par les bactéries et les insectes.

On passe d’une logique d’épuisement basée sur le quantitatif, à une sécurité qui s’appuie sur le qualitatif. Et on reprend notre humble place de petit humain face à la Nature, tellement supérieure à nous en intelligence et en sagesse.

Les grands principes

Le premier principe c’est donc : le problème, c’est la solution ! Démarrer en permaculture, c’est d’abord ob-ser-ver. Et comprendre les spécificités du terrain qui s’offre à nous. Au lieu de tenter de passer en force et contrer la nature pour y imposer notre idée, il s’agit de tirer parti de l’existant, quitte à changer son approche et voir émerger de nouvelles idées que l’on n’avait pas forcément envisagées.

Du coup seule la créativité peut nous freiner, et parfois la connaissance technique, ce qui n’est pas un problème en soi car les ressources sont disponibles facilement, et souvent gratuitement, pour se former.

Le second principe est d’ aider la nature et pas aller contre elle. De plus n’oublions pas que l’humain est par nature fainéant ???? Pourquoi se battre à assécher, enlever des pierres ou arracher des arbres, quand on pourrait juste profiter de l’eau ambiante et y faire pousser ce qui en a besoin, ou élever des poissons ?! On s’évite ainsi du travail inutile en respectant le terrain que l’on trouve.
Le travail le plus important, avec la permaculture, c’est la cueillette !

Le 3e principe est délicieusement déculpabilisant : s’autoriser à ne rien faire, et donc à être. C’est parfois difficile parce qu’on a peur du vide et de l’inaction, tout dans notre société de l’immédiateté et du résultat nous en éloigne. Mais ça oblige au lâcher-prise et génère alors la véritable créativité, et un nouveau rapport au temps.

Les deux derniers principes sont transversaux et à garder en tête à chaque décision que l’on prend. Il faut prendre en compte la versatilité puisque toute chose a plusieurs fonctions. Une poule procurera des œufs, de la viande, mais aussi des plume et de l’engrais. Il faut donc savoir utiliser toutes les compétences de nos ressources… comme dans l’entreprise…

Et enfin, pour chaque fonction il faut aussi de la redondance : en multipliant les sources, on évite la rupture, c’est la garantie de la stabilité du système.

Une lame de fond

Cette introduction à la permaculture a été pour moi une véritable découverte : au-delà de la technique pure, que je n’aborderai pas ici et qui constitue un sacré défi pour moi, j’ai surtout retenu une vision, un état d’esprit, une philosophie et une approche systémique de l’agriculture que l’on retrouve dans de multiples autres domaines et secteurs d’activité, comme si tout convergeait vers les mêmes intentions et principes fondamentaux.

Ce que j’observe en matière de management, de bonheur au travail avec l’entreprise libérée, mais aussi de santé avec la médecine intégrative qui associe allopathie et médecines alternatives dans le but d’atteindre la guérison, est également porté ici par les principes de respect de la vie, des aptitudes, de l’importance de chaque élément,mais aussi d’entraide, d’accompagnement et d’encouragement des interactions.

Le système a basculé, définitivement, pour passer de la verticalité et des silos à la TRANSversalité et au COllaboratif. Nous sommes bien face à une tendance lourde non plus en présence de signaux faibles, ou alors ils sont répartis comme dans une galaxie de scintillements qui dessinent, lorsqu’on les observe dans leur ensemble, le chemin à suivre pour préserver la Terre et l’humanité.

En forme de fleur à 4 pétales…